Une technique de psychologie positive : le comptage des bénédictions

Une technique de psychologie positive : le comptage des bénédictions

Dans un précédent article, vous avez pu découvrir les fondements de la psychologie positive mais aussi une technique efficace pour augmenter son bien-être, la lettre de gratitude, dont les effets ont été mesurés scientifiquement.
Aujourd’hui, je vais vous présenter une seconde technique issue du champ de la psychologie positive: le comptage des bénédictions.

Que signifie le comptage des bénédictions ?

Le comptage des bénédictions renvoie au fait de lister les actes pour lesquels vous pouvez être reconnaissant sur une période donnée. Cette technique s’inscrit, comme la lettre de gratitude, dans une démarche de reconnaissance. Une étude publiée par Emmons et McCullough en 2003 a montré les effets bénéfiques du comptage des bénédictions qui amène chaque individu à percevoir sa vie de façon plus positive, à devenir optimiste. Les individus qui ont pratiqué cette technique ont ressenti plus d’affect positif et ont été plus enclines à aider quelqu’un qui présentait un problème personnel en lui offrant son soutien moral.

Description du protocole de recherche

Cette recherche comportait 3 études différentes. Dans la première, 192 étudiants se sont portés volontaires, 157 dans la seconde et  65 adultes atteints d’une maladie neuromusculaire pour la dernière.

La première étude proposait aux participants de lister cinq faits pour lesquels ils pouvaient être reconnaissants au cours de la semaine précédente, cinq tracas et maximum cinq événements qui avaient eu un impact significatif.

Dans la seconde étude, les participants devaient réitérer la même procédure, mais en écrivant chaque jour jusqu’à cinq événements qui pouvaient générer un sentiment de reconnaissance mais aussi les tracas qu’ils avaient connus.  Les participants devaient enfin exprimer par écrit ce qui faisait qu’ils étaient meilleurs que les autres.

Dans la dernière étude, les participants effectuaient un comptage des bénédictions ou rapportaient sur un carnet la manière dont ils s’étaient sentis au quotidien, et la façon dont ils s’étaient perçus globalement.

Au final, les individus qui ont compté les bénédictions dans les 3 études ont ressententi plus d’affect positif, ont été plus optimistes et plus enclins à aider autrui, à lui apporter un soutien émotionnel. La fréquence du comptage des bénédictions a également eut un impact sur le niveau de bonheur : effectué de manière quotidienne (étude 2 et 3), celui-ci a montré des effets plus puissants que celui effectué une seule fois par semaine (étude 1).

Pourquoi utiliser la gratitude ?

Le comptage des bénédictions repose sur le fait de montrer sa gratitude envers autrui. La gratitude résulte d’un processus cognitif en 2 étapes : reconnaître que l’on a obtenu un résultat positif et reconnaître que c’est une source extérieure qui a mené à ce résultat positif (Weiner, 1985). La reconnaissance peut ainsi être un levier important pour favoriser le bien-être, elle peut constituer une stratégie psychologique par laquelle les individus interprètent de façon positive leurs événements de vie et ainsi les conduire à se sentir plus heureux, davantage optimistes et ouverts aux autres.

Référence : McCullough, M. E., & Emmons, R. A. (2003). Counting blessings versus burdens: An experimental investigation of gratitude and subjective well-being in daily life. Journal of Personality and Social Psychology84(2), 377-389.

Interview avec Luc Julia, cofondateur de Siri, CTO et Vice-Président Innovation SAMSUNG

Interview avec Luc Julia, cofondateur de Siri, CTO et Vice-Président Innovation SAMSUNG

« Je suis très content des gens très forts en hardskills, mais en même temps je peux les détester s’ils sont déficients en softskills, car ils ne sont pas bons dans la vie »

Dr Luc Julia, co-créateur de Siri et Vice-Président de l’innovation chez Samsung Electronics, dirige le Laboratoire d’intelligence artificielle de Samsung (SAIL) à Paris. 
Après avoir obtenu un DEA d’informatique à l’Université Pierre-et-Marie Curie, Luc Julia réalise un Doctorat d’informatique à l’École Nationale Supérieure des télécommunications. Chercheur dans les domaines des interfaces vocales à la Silicon Valley, il participe au lancement de Nuance Communications et fonde le Computer Human Interaction Center (CHIC).
Expert en intelligence artificielle, titulaire de nombreux brevets et distinctions, Luc Julia partage avec nous son point de vue sur l’IA et la formation. 

En tant que manager, que vous inspirent les softskills ?
Je suis pour la pluridisciplinarité. Je suis très content des gens ayant de bons hardskills, mais en même temps je peux les détester s’ils sont déficients en softskills, car ils ne sont pas bons dans la vie. Je veux des ingénieurs ouverts sur le monde. Je veux qu’ils comprennent leur spécialisation à l’aune des softskills, ce que moi j’appelle la vie. Une personne douée en histoire, en philosophie, cela m’intéresse. La pluridisciplinarité d’une équipe est très importante mais je cherche surtout des collaborateurs qui soient curieux et capables de s’intéresser à plusieurs disciplines. 

Quels sont les outils que vous privilégiez pour mettre en place les softskills ?
Je privilégie l’autorité “tu le fais” tout en donnant réellement du temps pour le faire. Pour cela, j’ai instauré le 20% play time, pendant 1 jour par semaine mes collaborateurs font tout sauf mes projets. Ils s’intéressent à autre chose, travaillent sur des projets qui les passionnent ou pratiquent des activités qui permettent le développement de softskills. Ils peuvent par exemple faire des Moocs ou assister à des conférences de chercheurs de Harvard ou Stanford.

Pouvez-vous me donner une anecdote sur les personnes qui sont très fortes en hardskills mais déficientes en softskills ?
L’hyperspécialisation mène à de l’arrogance. Les hyperspécialisés ne veulent pas échanger, partager et collaborer avec les équipes. Ces comportements et le manque de pluridisciplinarité entraînent des conflits d’équipes.

Certaines pratiques comme le 20% playtime sont-elles un remède pour que les équipes soient innovantes ? 
Je combine le 20% playtime à d’autres méthodes. Je considère que 8 heures de travail par jour c’est trop, c’est pour ça que je veux les laisser respirer. Mes collaborateurs travaillent sur plusieurs projets durant une même semaine. La diversité des projets et des tâches permet au cerveau de s’aérer et de consolider les informations. Au final, le collaborateur est plus créatif, il réalise un travail de meilleure qualité. Six heures de travail effectif par jour me parait optimal.

Comment la transformation digitale permet-elle une révolution managériale ?
Je pense que le confinement a mis en lumière la force du digital : les outils de partage entre les équipes rendent les collaborations numériques beaucoup plus intéressantes. Pour nous, ce n’est pas une découverte. Ces outils amènent de l’agilité. 

Comment les entreprises françaises font face aux changements managériaux ? 
Tout commence par l’éducation. Il est important de s’éduquer et de comprendre la face cachée de ces outils. Il ne faut pas écouter les mythes diffusés à la télé. L’IA sont des outils mathématiques logiques. Il est nécessaire de comprendre comment les data sont utilisées et récoltées. Si l’on ne comprend pas comment l’IA fonctionne, on ne peut pas se poser les bonnes questions ; tant sur la qualité des datas, que sur leur collecte ou le contexte de la collecte. Les IA posent beaucoup de problèmes éthiques, on peut mal les utiliser, mais en soi ce sont les humains qui créent le risque.

Quels sont les enjeux de l’IA envers l’intelligence émotionnelle ?
On sait appliquer l’IA à des choses faciles. Maintenant on va passer un cran au-dessus. 
La parole, par exemple, amène de l’émotion. L’IA pourra comprendre que, lorsque quelqu’un s’énerve, le message est modifié par les émotions. On va apprendre à ajouter des paramètres, des multi modalités qui permettront une analyse plus poussée du discours. L’émotion sera de plus en plus analysable.

Est-ce qu’il peut y avoir des IA spécialisées dans la formation ? 
Oui il y en a, par exemple, dans l’aide à la formation ou dans le choix des thèmes à travailler. Des IA analysent déjà des comportements, des CV ou encore des écrits. 

L’IA peut-elle s’appliquer à tout ?
Bien qu’ils posent de nombreux problèmes éthiques, les champs d’application de l’IA sont vastes. Comme tous les outils, ils vont être spécialisés dans des domaines particuliers. 

Neuromythes : quand notre cerveau nous joue des tours

Neuromythes : quand notre cerveau nous joue des tours

Alan Crokard, neurochirurgien, a utilisé le terme « neuromythe » pour la première fois en 1980. Ce terme désigne une fausse croyance qui concerne le fonctionnement du cerveau. Ces mythes ont été invalidés totalement ou en partie dans les récentes recherches en neurosciences.

1. Les styles d’apprentissage

Un style d’apprentissage renvoie à la notion selon laquelle nos apprentissages seraient facilités par une modalité perceptive plutôt que par une autre, c’est-à-dire que certains préféreraient l’apprentissage visuel tandis que d’autres préféreraient l’apprentissage auditif notamment. Au-delà d’une simple question de préférence, cela sous-entend que chaque cerveau serait optimisé pour traiter de façon plus efficace un certain type d’information (visuel, auditif…). Afin de favoriser un apprentissage optimal, il serait donc conseillé d’adapter la pédagogie en fonction des styles préférentiels de chaque individu.

Des recherches ayant répertorié un ensemble d’études menées sur les styles d’apprentissages ont pu montrer que finalement il y a eu peu d’études empiriques ayant testé le fait qu’adapter l’enseignement aux styles d’apprentissage conduisait à un apprentissage meilleur. Par ailleurs, les résultats du peu d’études qui l’ont fait vont à l’encontre de l’hypothèse selon laquelle un enseignement adapté aux styles d’apprentissage favoriserait l’apprentissage. Il s’avère donc que le style d’apprentissage est bien un neuromythe (Dekker, Lee, Howard-Jones & Jolles, 2012). Et les neurosciences nous apprennent qu’un apprentissage doit faire appel à toutes nos modalités sensorielles.  Cependant, d’autres études ont mis en évidence qu’encore récemment, 96% des enseignants croyaient à ce neuromythe (Howard-Jones, 2014).

2. La dominance hémisphérique : nous sommes soit « cerveau gauche », soit « cerveau droit »

En moyenne, 80% des enseignants adhèrent à ce mythe selon lequel la dominance hémisphérique pourrait expliquer la différence dans les apprentissages. Étant donné que les hémisphères du cerveau seraient spécialisés dans certains types de tâches, ce neuromythe avance l’idée selon laquelle adapter l’enseignement aux compétences des apprenants serait bénéfique. Les résultats d’études récentes semblent contredire ces hypothèses. Il s’avère que la majorité des tâches que nous effectuons requiert la collaboration des deux hémisphères du cerveau, qui sont reliés entre eux par un large réseau de communication.

Ainsi, l’hypothèse selon laquelle nous serions spécialisés dans un seul hémisphère est réfutable. Il est alors évident que des exercices nous permettant d’augmenter notre capacité à utiliser nos deux hémisphères pour résoudre une tâche sont inutiles. En effet, nous utilisons nos deux hémisphères constamment, ces derniers étant largement reliés.

3. Nous utilisons seulement 10% de notre capacité cérébrale

Ce neuromythe découle en partie du fait qu’auparavant les mesures du fonctionnement cérébral étaient très peu sensibles, suggérant ainsi que beaucoup de parties du cerveau restaient inactives. En réalité, nous savons aujourd’hui que lors de l’exécution d’une tâche, il y a une pluralité de régions du cerveau qui sont mobilisées et connectées entre elles pour parvenir à la réalisation de la tâche. Ceci est également vrai lorsque nous ne faisons rien en particulier, de multiples zones sont toujours activées.

4. La production de neurones s’arrête à 18 ans

Selon ce neuromythe, les apprentissages doivent survenir à des âges précis durant l’enfance, sous peine de ne plus pouvoir être appris plus tard, ou à l’âge adulte. Cette croyance n’est cependant pas véridique. La plasticité cérébrale, bien que maximale durant l’enfance, est présente tout au long de notre vie ! Les chauffeurs de taxi à Londres, par exemple,  montrent un hippocampe plus développé que la moyenne, en raison d’une suractivation permanente de cette zone responsable de la navigation spatiale.
Nous continuons à créer des connexions neuronales à tout âge, nous sommes en évolution perpétuelle. Nous pouvons nous développer tout au long de notre vie.

5. Être en double tâche permet d’être plus efficace 

Pourquoi, par rapport à nos premières heures de conduite, est-il aujourd’hui si facile de conduire et de discuter avec un passager en même temps? 

Aujourd’hui, notre cerveau a automatisé le fait de conduire.Automatisersignifie qu’il ne puise plus de ressources attentionnellesconséquentes afin de mener à bien la tâche. C’est pour cette raison que nous pouvons utiliser nos ressources pour faire tout à fait autre chose, comme discuter avec un passager par exemple.

Ce neuromythe n’est donc pas vrai en toute situation. Mener une double tâche n’est efficace que si la première est automatisée. En effet, si la tâche à mener n’est pas automatisée, développer une seconde tâche en parallèle divisera les ressources attentionnelles et réduira in fine la performance.

Focus : Les neurosciences ont-elles leur place dans l’éducation ? Une discipline récente : la neuropédagogie

La neuropédagogie, également appelée neuroéducation, est une discipline récente. Elle se situe au carrefour de plusieurs sciences, notamment les neurosciences cognitives, l’éducation et la psychologie. Son objectif est de mettre au service de l’éducation des bonnes pratiques basées sur les faits scientifiques, qui mettent en évidence la manière dont chaque individu apprend. Les premières recherches allant dans ce sens datent de la fin des années 1970, initiées en outre par Howard Gardner. Il convient néanmoins que tout matériel pédagogique nécessite des validations scientifiques en laboratoire et sur le terrain, et de nombreux allers-retours entre ces deux entités. Aujourd’hui, la neuropédagogie élargit également son intérêt à la formation pour adultes, qui pourrait y trouver de nombreuses utilités.

Références :
Masson, S. (2015). Les apports de la neuroeéducation à l’enseignement: des neuromythes aux deécouvertes actuelles. Approche neuropsychologique des apprentissages chez l’enfant134, 11-22.

Medjad, N., Gil, P., Lacroix, P. (2019). Neurolearning : les neurosciences au service de la formation (4e éd.). Editions Eyrolles.

Échange avec Suzel Mouton sur les enjeux de la formation

Échange avec Suzel Mouton sur les enjeux de la formation


« Avant le savoir était entre les mains du sachant, aujourd’hui tout est en open source »

Suzel Mouton, directrice de formation, est experte dans la formation des managers et la Gestion de la Relation Client.
Diplômée de l’Université Paris Dauphine, Suzel Mouton a évolué en tant que directrice de formation principalement au sein du groupe Webhelp puis chez Buffalo Grill. Elle occupe actuellement le poste de consultante Senior en Learning Culture. 
Experte en formation, mais aussi en gestion des Talents et développement des compétences, Suzel Mouton partage avec nous les facteurs clés de succès d’une formation.

 

Comment engager une personne dans une formation ? 

Dans un premier temps, la personne doit ressentir le besoin de cette formation. Vous ne pouvez pas bien former quelqu’un qui n’est pas persuadé de son intérêt. 
L’idéal est que le collaborateur soit à l’initiative de sa formation. Lorsque ce n’est pas le cas, il faut prendre le temps de discuter avec lui, de l’informer sur le pourquoi de cette formation qui doit être prise comme une chance et non comme un ordre pour combler un manque d’efficacité. Il est nécessaire qu’il s’approprie ce besoin. Cette démarche peut prendre du temps et nécessite beaucoup de pédagogie. Mais surtout une formation ne commence pas lorsque la personne franchit le pas de la salle mais bien en amont : test de positionnement, interview, vidéos, quiz sont aussi de bons moyens lorsque l’entretien individuel n’est pas possible.

 

Est-ce le seul facteur clé pour insuffler le changement chez une personne ?

Non, aucun formateur n’a de baguette magique. Si l’on veut insuffler le changement, seule une partie dépendra de la formation en elle-même. Mais c’est par l’application, les feedbacks, les actions correctives bienveillantes que le changement s’opère durablement. Il faut 21 fois pour qu’une action passe de « je teste » à « c’est acquis ». Cela prend donc du temps et de l’attention de la part du manager post formation.

Par rapport aux formations, quels sont les enjeux pour établir un ROI ?

L’enjeu principal est de déterminer ce que notre investissement nous rapportera. Pour cela, j’utilise le système de validation Kirkpatrick. Il comporte plusieurs niveaux : la satisfaction de l’apprenant, la validation des acquis, leur mise en application et l’intérêt que l’entreprise retire de la formation. Selon moi, il faut s’arrêter à ce niveau, car seul le dernier échelon correspondant au pur ROI. On y pose la question du rapport bénéfice-prix. Il y a tellement de paramètres, qu’à mon sens, on ne peut dire que seule la formation est responsable du ROI.

Quels sont les changements actuels auxquels vous faites face dans la culture
managériale ?

Nous avons aujourd’hui de nombreuses générations qui travaillent ensemble : des Millennials aux Seniors. Leurs aspirations, leur fonctionnement sont totalement différents, et pourtant tous doivent travailler et réussir ensemble. Il n’est pas toujours facile d’avoir à manager quelqu’un de 15-20 ans plus jeune ou plus âgé que soi.
Sans parler de la mondialisation, ou de la notion d’interculturalité qui ne peut être ignorée.  On ne peut plus manager de façon unique mais bien en s’adaptant à chacun des profils de son équipe et prendre en compte ses aspirations.

Il y a-t-il d’autres difficultés plus liées aux métiers ?

La vision managériale change et l’on doit apprendre les uns des autres, être agile car non seulement nous faisons face à l’allongement du temps de travail mais les métiers se transforment de plus en plus rapidement. Entre la charrette et la voiture il y a eu plus de 20 ans, alors qu’aujourd’hui on passe d’une technologie à une autre en un claquement de doigt. Ne pas savoir utiliser ces technologies, c’est être hors-jeu.  
Ces changements peuvent être très anxiogènes, principalement pour les salariés peu à l’aise avec les nouvelles technologies ou le numérique. Tout cela est à prendre en compte par le manager. Il faut non seulement permettre aux salariés de rester à niveau dans un monde mouvant mais aussi anticiper les besoins futurs.

Ces changements s’appliquent-ils à la formation ?

Aujourd’hui, les gens devront être de plus en plus responsables de leur formation (le CPF va dans ce sens). Des envies et des besoins émergent et les salariés sont conscients que leur carrière n’est plus toute tracée. Ils veulent développer leur employabilité. Avec l’apparition des MOOC gratuits, beaucoup s’auto forment.  
L’enjeu actuel est de proposer une formation en libre accès et de donner plus de responsabilités aux formés. 
Avant le savoir était entre les mains du sachant, aujourd’hui tout est en open source.

Face à un manager qui vous demanderait des conseils sur ses problèmes, que faire ?

D’abord l’écouter et le questionner. Le sujet abordé est souvent différent du réel besoin de formation.  C’est normal, c’est notre métier, pas le leur. 
Il faut toujours aller à la recherche de la cause racine. J’ai tendance à dire « quel est ton besoin, pourquoi, que veux-tu changer, qu’attends-tu comme résultats ? Et la question la plus importante que je tiens de mon « mentor », « Véritablement, la formation serait réussie si … »  et je le laisse compléter. Lorsque j’ai identifié le résultat attendu, je remonte ensuite la chaîne pour définir le type de formations nécessaires et les softskills à travailler. Je pars toujours du résultat attendu et non de la source. 
Enfin, aucune formation n’est efficace si elle n’est pas co-construite step by step avec le commanditaire. Il faut personnaliser puis individualiser au maximum les formations. Chacun a des besoins différents, un fonctionnement différent, des connaissances et des facilités d’apprentissage différentes. Ne pas écouter et personnaliser ses actions de formation est le meilleur moyen de passer à côté de l’objectif.

Les secrets du développement d’une compétence

Les secrets du développement d’une compétence

Le modèle 70-20-10

Ce modèle a été proposé par trois chercheurs dans les années 90 : Morgan McCall, Robert Eichinger et Michael Lombardo. Ils ont interrogé près de 200 managers pour savoir ce qui avait permis de développer leurs compétences. Ils ont regroupé ces déclarations sous 3 catégories, et conclu :

70% d’une compétence serait développée directement en situation de travail

20% en interaction avec les autres

10% réellement en formation en présentiel (par la diffusion de savoirs théoriques)

Ce modèle remet donc en question les formations classiques telles qu’elles peuvent être dispensées habituellement et suggère que le développement d’une compétence doit faire appel à d’autres systèmes d’apprentissages. Il ne rend pas compte de la complexité de l’apprentissage, c’est pourquoi je vais présenter les limites que peut présenter un tel modèle.

Les limites d’un tel modèle

Comme tout modèle, il reste imparfait. Tout d’abord, d’un point de vue scientifique, un échantillon de 200 personnes est trop limitant. De plus, les données récoltées étant “déclaratives”, elles ne permettent pas de rendre compte des processus mis en jeu dans le développement d’une compétence, mais de l’appréciation subjective de chaque individu, ce qui demeure toutefois intéressant et pertinent. 

L’apprentissage informel

Malgré les limites méthodologiques présentés par le modèle 70-20-10, tout un champ de la littérature met en lumière le rôle clé de l’apprentissage informel dans l’acquisition d’une compétence. On entend par apprentissage informel l’apprentissage ancré dans l’expérience. Notamment, une étude longitudinale menée de 1986 à 2006 par Kelley a montré la diminution croissante des connaissances stockées en mémoire mobilisables dans l’exercice professionnel.

Voici les chiffres :

SI EN 1986, 75% DES CONNAISSANCES PROFESSIONNELLES ÉTAIENT STOCKÉES EN MÉMOIRE, ELLES N’ÉTAIENT QUE DE 10% EN 2006.

Cela vous étonne ? En fait, la connaissance a changé, et les salariés se retrouvent face à un environnement professionnel qui se modifie toujours plus rapidement. Il faut renouveler ses compétences continuellement. C’est ici que l’importance des soft skills peut être soulignée, ces compétences comportementales apparaissent alors comme indispensables pour faire face et s’adapter. La nature même du travail, qui s’est considérablement transformée, semble devoir amener les individus à développer de nouvelles compétences. L’apprentissage en situation réelle semble être propice au développement de ces compétences comportementales, qui relèvent davantage de savoir-être que de savoirs théoriques.

Soutenir l’Action de Formation en Situation de Travail

La réforme de la formation professionnelle est allée dans ce sens, en intégrant désormais l’Action de Formation en Situation de Travail (AFEST) dans la loi sur l’Avenir Professionnel. Cela souligne son importance, et met en lumière à nouveau la nécessité d’adapter les formations. Cette modalité de formation permet notamment d’intégrer les nouvelles technologies pour faciliter l’apprentissage des salariés.

Références :

Denis Cristol & Anne Muller : les apprentissages informels dans la formation pour adultes

Lombardo, Michael M; Eichinger, Robert W (1996). The Career Architect Development Planner (1st ed.). Minneapolis