Benoit Montet, Global Human Resources and Innovation chez Top Employer Institut, nous explique l’importance des softskills en entreprise. Après avoir évolué au sein de Thalès et Kiabi en tant qu’International Human Ressources, Benoit Montet devient membre de l’AFNOR Expert Comittee « Human Ressource Management ». Il rejoint par la suite Top Employer Institut en tant que directeur général France, puis devient Global RH Expert du siège.
Comment les entreprises françaises font-elles face aux changements managériaux actuels ? Pouvons-nous parler d’une révolution managériale ?
Elles y font bien face. Ce que j’observe c’est que les français sont très interconnectés, ils parlent et échangent beaucoup. Même s’il y a une difficulté à appréhender et à faire face au changement, ceux qui seront les mieux armés seront ceux qui auront le plus échangé.
Top Employer s’inscrit dans cette logique : nous auditons et évaluons les dispositions prises par les entreprises pour leurs employés. En fin de certification, nous leurs offrons des benchmarks ou des bonnes pratiques de solutions qui sont le plus adaptées au monde moderne.
Comment les softskills sont-ils pris en compte au sein des entreprises certifiées par votre structure ?
Les connaissances classiques, opérationnelles et mesurables connaissent une obsolescence de plus en plus rapide. C’est l’enjeu principal des changements actuels : l’obsolescence des connaissances.
Il y a un changement majeur dans le leadership et le management d’aujourd’hui. Il est dangereux d’« acheter » les compétences d’un collaborateur pour des choses mesurables (développement logiciel, technique d’ingénierie) car elles sont très vite obsolètes.
L’enjeu est d’identifier les softskills qui ne correspondent pas un savoir, mais à la capacité à apprendre. Aujourd’hui le meilleur ingénieur est celui qui est capable de s’adapter et d’apprendre. Les softskills sont encore plus nécessaires que les hardskills d’hier.
L’intelligence émotionnelle d’une personne est-elle de plus en plus valorisée par les entreprises ?
Oui, c’est devenu une compétence clé. Les managers n’opèrent plus uniquement avec des indicateurs, des entretiens annuels, des KPI, mais avec de l’émotion et de l’engagement. Ces notions sont relativement nouvelles et difficiles à mettre en équation pour un profil de manager classique.
Si vous deviez garder une bonne pratique dans le développement des softskills, laquelle serait-elle ?
La transparence et la confiance. Ce sont des choses qui s’apprennent, elles ont l’air évidentes mais non. La confiance est quelque chose de réciproque : comment être sûr que mon salarié travaille chez lui ? Un salarié qui travaille à la maison et qui bénéficie de la confiance de son manager, sera plus engagé et travaillera parfois plus qu’au bureau.
Soit cette confiance s’accorde spontanément car c’est une prédisposition qu’on a, soit elle s’apprend car on apprend à faire confiance.
C’est la même chose pour la transparence : le fait d’être transparent incite à la transparence, cela crée une réciprocité. L’apprentissage est fondamental pour les softskills.
On s’aperçoit aujourd’hui qu’un leader se construit. Il y a évidemment des prédispositions, mais elles se construisent aussi.
Pouvez-vous me mentionner une anecdote sur ce thème ?
Tous les ans, nous conduisons des audits dans les entreprises sur plusieurs sujets (formalisation des politiques RH, diffusion de pratiques RH, etc). L’année dernière j’ai eu une conversation avec une entreprise qui me disait : « Vous me parlez de home-office dans votre enquête, moi je suis dans une société de distribution, cette pratique n’a pas de sens pour moi ».
Cette année j’ai fait la même enquête, c’est lui qui a parlé du télétravail, il m’a dit : « pour moi c’est fondamental, durant la Covid tous les magasins étaient fermés. A domicile même 20% de leur temps, certains ont pu relancer les ventes en lignes grâce au fichier client ». Celui qui était à des années lumières du home office et riait de moi sur ce thème, en a aujourd’hui fait son cheval de bataille pour répondre à la crise d’aujourd’hui.
Que pensez-vous des obligations juridiques des entreprises envers leurs collaborateurs et de l’employabilité ?
C’est fantastique, le gouvernement est allé dans le bon sens. Il y a désormais une obligation légale de maintenir l’employabilité du collaborateur. On observe également une responsabilisation accrue de tous, l’effort est partagé entre l’entreprise et le salarié. On parle de Développement durable mais il passe aussi par le développement durable des hommes dans l’entreprise.
La préoccupation actuelle est le temps et l’organisation associé à ces mesures. C’est beau de dire que le salarié est responsable de sa formation, qu’il doit le faire en dehors de son temps de travail. Mais comment faire pour se former sans empiéter sur son bien-être ? L’employabilité est une responsabilité double : du salarié et de l’entreprise, elle doit donc s’assurer que des temps et des lieux sont consacrés et adaptés à cela.
Les compétences non-techniques vont-elles devenir de plus en plus importantes avec l’arrivée des millenials sur le marché du travail ?
Paradoxalement, les millenials n’en auront pas le plus besoin. Ils ont l’habitude de changer et d’utiliser les nouvelles technologies.
L’enjeu est plutôt pour les anciennes générations. Elles doivent embarquer dans le monde digital.
Je revendique la pratique du mentoring et du reverse mentoring : c’est l’apprentissage social des uns par les autres.
Les savoirs sont collectifs, c’est mon principe fondamental. Chacun est détenteur d’une part du savoir, qu’il le sache ou pas. Le graal serait que chacun soit capable de formaliser, puis de transmettre ses savoirs et d’identifier le savoir de l’autre et l’intégrer.
Pensez-vous que les entreprises réussiront à dépasser les indicateurs purement financiers, comme le ROI, dans la formation professionnelle ?
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