Fabien Fenouillet, chercheur en sciences cognitives, motivation, apprentissage, bien-être et professeur de psychologie positive à l’Université Paris Ouest Nanterre la Défense, nous éclaire sur les théories de la motivation et de l’engagement.
Quels sont les rapports entre motivation et engagement ?
Il existe beaucoup de définitions et de théories mais pour moi l’engagement est un processus de passage à l’acte inhérent à la motivation. Avant tout engagement, nous sommes dans un état de délibération motivationnelle. Ce n’est qu’une fois la décision prise (liée à la motivation) que l’individu s’engage, qu’il ne se pose plus de questions et qu’il agit.
Agir uniquement sur les mécanisme d’engagement et non ceux de la motivation peut induire un engagement sur le court terme c’est-à-dire restreint uniquement à un comportement . Dans ce cas, le plus souvent, il faut toujours réengager les personnes pour les autres comportements. Tout l’intérêt de passer par la motivation est donc de favoriser la persistance de l’action.
Quelques questions peuvent nous aider à construire des profils motivationnels : pourquoi est-ce que vous faites les choses ? Pour les motifs, les valeurs, les facteurs internes et externes ? Est-ce que votre environnement vous permet de faire ce que vous voulez ? Des prises d’initiatives ? Des formations ? Est-ce que vous vous sentez capable de les faire ? Est-ce que vous allez les faire ?
C’est le processus décisionnel qui permet d’ancrer dans le temps l’engagement, c’est donc la phase la plus importante.
J’ai pu lire dans une étude que 15% des managers occidentaux étaient engagés, comment engager ?
Le problème de la motivation, et de l’engagement comme concept associé, est que c’est un processus composé d’une succession d’étapes. Dans cette question je ne comprends pas comment est mesuré l’engagement et quelle est la mesure utilisée. Quand on parle de 15% de managers engagés, quelle est la mesure ? Sans cette information ces chiffres restent flous.
Comment définir l’engagement ?
L’engagement est un processus qui permet d’atteindre un objectif : le passage à l’acte.
Il y a bien sûr différents modèles de l’engagement. Certains modèles donnent une définition de l’engagement très proche de celle que j’utilise pour la motivation, avec différents indicateurs comme, par exemple, les valeurs : ce que vous faites est-il quelque chose de valable ? Est-ce que vous estimez que cela vient de vous ? Est-ce que vous réalisez que vous êtes en mesure de remplir la mission ou non ?
Différents éléments font partie de l’engagement, et s’ils ne sont pas validés, vous ne serez pas engagés. C’est un peu comme la motivation. Certains états motivationnels sont clairs. Il y a certains états où on est très motivés et d’autres où on ne l’est pas, mais en général nous sommes plus ou moins motivés, ce n’est pas dichotomique.
L’engagement ne vient pas que de son envie personnelle, il peut être créé par le processus d’un tiers. Les expériences scientifiques de la théorie de l’engagement le démontrent.
Pour vous, quelle place ont ces études dans le monde professionnel ?
À l’origine ce sont les travaux de Lewin qui parlent de gel cognitif. Ces techniques visent à engager la personne dans l’action pour dépasser la phase délibérative, ensuite il n’a donc plus à réfléchir à pourquoi il fait les choses mais comment il va les faire. Les techniques qui forcent le passage à l’action en prenant un raccourci trop brutal sur la phase de délibération risquent de devoir en permanence réengager le comportement. Finalement, le principal atout de certaines théories motivationnelles est qu’elles facilitent un engagement à long terme.
Lewin voulait que l’individu s’approprie cette décision d’agir. Le processus décisionnel est le plus important et permet l’engagement à long terme.
Quelles seraient les bonnes pratiques pour créer un engagement chez un collaborateur ?
Vous avez des théories de l’engagement qui sont directement issues du monde de l’entreprise. De mon point de vue, cela ne me paraît pas plus différent que les autres processus décisionnels.
Différents cadres théoriques expliquent le processus de motivation. Les deux piliers essentiels se traduisent par ces deux questions : pourquoi est-ce que vous faites les choses ? Est-ce que vous vous sentez capable de les faire (ce qui suppose que vous savez quoi et comment faire) ? Je dirai que ce sont les deux piliers de tout processus motivationnel. Le pourquoi renvoi a beaucoup d’aspects, comme la valeur (est-ce que cela vient de moi ou non) ou les besoins psychologiques de l’individu. C’est très vaste, il existe énormément d’éléments. L’idée est de donner un cadre théorique précis.
Par exemple, s’engager pour suivre des formations professionnelles ?
On revient à des motifs relativement classiques et ça va bien fonctionner : pourquoi feriez-vous ça ? Est-ce que votre environnement de travail vous donne les possibilités ? Est-ce qu’on vous laisse la possibilité ? Est-ce que vous pensez la suivre ?
On pourra construire un profil motivationnel et se dire si oui ou non on va s’engager facilement. Dans tous les cas, ces théories ne sont pas « on/off ». On ne se dit pas que cela va fonctionner pour chaque individu, on est plus sur un ensemble d’individus.
Qu’en est-il de l’entretien motivationnel ?
C’est une stratégie que l’on utilise pour que les individus se positionnent pour leur motif réel. C’est une technique de changement. Vous allez basculer en faisant une action mais surtout en continuant à la faire.
L’enjeux par rapport à l’engagement est donc la persistance ?
Oui, totalement.
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